Une humiliation de la France au Burkina, comme au Mali? Tribune de Nestorine Sangaré
Dites à Cathérine Colonna, la Ministre française des affaires étranges que l’époque coloniale est révolue depuis belle lurette. Que peut valoir son soutien à Luc Hallade quand un pays hote le rejette? L’Ambassadeur de la France est devenu indésirable à Ouaga.
C’est le livrer à la risée de ses collègues ambassadeurs et diplomates des autres chancelleries et aux moqueries des citoyens et badauds que de l’y maintenir en résidence surveillée à son domicile avec une présence déplaisante et illégale partout ailleurs. Qu’est-ce qui peut bien motiver le bras de fer actuel et le maintien forcé de Luc? Est-ce pour consoler cet apprenti diplomate haï ou pour lui permettre de parachever les basses besognes dans l’oeuvre de destruction du pays et la coordination des coups fourrés contre l’unité nationale au Burkina Faso ? Qui ne se souvient pas de son discours alarmiste et tendancieux lors de la fête du 14 Juillet 2022 et de ses propos devant le Senat annonçant une guerre civile au Burkina Faso? Un vrai oiseau de mauvaise augure.
Il convient de rappeler que, selon les normes régissant les relations entre les Etats démocratiques modernes et civilisés, pour accréditer un ambassadeur dans un pays, il faut que le pays d’accueil fasse au préalable une enquête approfondie sur sa moralité avant que ce dernier ne soit accepté. Au terme de l’enquête, celui qui ne remplit pas les conditions est purement et simplement refusé et un remplaçant est proposé à sa place. En cours de mandat, quand un Ambassadeur ne satisfait plus les exigences de son poste et vient à perdre la confiance du pays d’accréditation, la bienséance veut qu’on informe son pays d’origine pour demander son remplacement. La démarche utilisée par le Burkina Faso en demandant son remplacement respecte les normes diplomatiques et ne devait pas semer l’émoi. En effet, c’est un acte légitime et responsable que de demander le remplacement d’un ambassadeur, habitué du double jeu, suspect, encombrant et sournois.
Il se trouve que, dans certaines circonstances et pour des motifs graves, un ambassadeur peut être déclaré persona non grata et expulsé sans délais. C’est ce qui s’est passé au Mali. Le 31 janvier 2022, les autorités maliennes ont donné 72h à l’Ambassadeur français, Joël Meyer, pour quitter le pays. En réponse, Paris a décidé de rappeler son Ambassadeur. Il partit. Toute la classe politique française s’est ensuite émue pour cette humiliation servie par le Mali à la France. Le journaliste Antoine Glaser soutient que cela était prévisible, mais que la France n’a pas vu venir cette expulsion. C’est pourtant après que Florence Parly et Yves Le Drian aient passé leur temps à parler, se contredire avec Macron et menacer pendant des mois, allant jusqu’à qualifier cette expulsion de provocation devant l’Assemblée Nationale. La suite logique a été la débâcle de Barkhane et tout le divorce Mali-France en mondovision. Un autre exemple récent. Après son départ de Bangui (Centrafrique) en 2018, l’Ambassadeur français Charles Malinas a été rappelé brutalement de Prague trois mois après sa nomination, suivi d’une révocation de sa fonction de diplomate. Une enquête diligentée a révélé des faits très graves et des pratiques douteuses à Bangui, consistant à donner des visas à des personnes radicalisées pour immigrer en France. Il lui est reproché aussi des faits d’enrichissement personnel. Ces deux exemples montrent qu’un ambassadeur français peut bien être expulsé ou rappelé pour fautes.
L’histoire va-t-elle se répéter au Burkina Faso un an plus tard? Rien n’est moins sur. Paris ne sait jamais tirer les leçons de son histoire politique africaine et se croit toujours dans la Françafrique. Et les diplomates semblent formés pour créer les conditions de remake des échecs cuisants. En décidant de braver la décision des autorités burkinabè pour maintenir Luc Hallade, la France bafouent les règles élémentaires de la coopération respectueuse et pacifique entre les nations. De quel droit et dans l’intérêt de qui se fait la bravade? Il est de plus en plus clair que la diplomatie française se fout des règles et de bienséance dans ces rapports avec certains pays d’Afrique. Or, si demain un ambassadeur burkinabè est dénoncé, la France accepterait que le Burkina Faso le lui impose et le maintienne à Paris au nom du principe de réciprocité. Il sera expulsé immédiatement. Le cas de Luc Hallade est donc un grave précédent car il est déclaré indésirable pour des faits documentés. Le Burkina Faso, en pays ami, a eu l’élégance de notifier son pays d’origine il y a deux semaines. Peut-on l’imposer et le maintenir de force quand il n’est plus un interlocuteur crédible et souhaité? On ne renvoie pas Luc d’une école primaire pour insuffisance de résultats, mais d’un poste diplomatique, dans un contexte de terrorisme meurtrier. Son rôle de pyromane-pompier, ses pratiques de lobbyiste affairiste et sa mauvaise foi ont été constatés. Plus que tous ces prédécesseurs, il est l’artisan d’une relation de coopération bilatérale malsaine, conflictuelle et paternaliste. Au lieu de jouer au bras de fer puérile pour provoquer l’expulsion humiliante de son ambassadeur, cette fois-ci, la France gagnerait à prendre les devants et accueillir son diplomate encombrant au lieu de se livrer à un forcing inutile et disgracieux.
La Colonna commet les mêmes erreurs de communication que la Parly dans cette énième crise diplomatique de la France dans son prétendu pré-carré. Apporter publiquement son soutien à un ambassadeur éconduit au lieu de le rappeler ressemble plus à un jeu de coquins et copains et non des actes responsables et honorables d’un pays qui prétend à la respectabilité internationale. Le Burkina Faso est un pays souverain à ne plus confondre avec un terrain de jeu conquis pour des nostalgiques de pratiques néocoloniales infantiles. Ce pays digne n’est surtout pas un jouet pour flatter l’égo du fils indigne d’un héros de la Deuxième Guerre Mondiale, en mal de notoriété. Luc Hallade fait comme un président d’une république bananière qui refuse de quitter le pouvoir (avec l’aide de la France) en prétextant n’avoir pas fini de mettre en oeuvre ses programmes. Il met en oeuvre une diplomatie du Ridicule. Chantons alors avec lui: Allez enfant de la patrie, le jour du déshonneur est arrivé. Grâce à la Colonna de la tyrannie, remplissons nos poches de fric indu, en versant le sang des opprimés.
Halte là!! Vous ne passerez plus. Faites sonner le tocsin!!!
Nestorine Sangare, PhD
Experte en Sociologie du Développement
www.topinfosplus.com