Namibie : le parti historique Swapo face à un défi historique
La Namibie vote mercredi pour des élections présidentielle et législatives qui pourraient marquer un tournant politique historique. Le parti au pouvoir depuis l’indépendance, la Swapo, est menacé par une opposition rajeunie et des attentes socio-économiques fortes.
La Namibie a commencé à voter mercredi à 7h00 locales dans les élections les plus incertaines qu’ait connues le parti historique au pouvoir. Sa candidate Netumbo Nandi-Ndaitwah, susceptible de devenir la première femme présidente du pays, pourrait être contrainte à un second tour inédit.
Surnommée « NNN », la candidate de la Swapo, figure de 72 ans de la lutte pour la libération, a glissé son bulletin dès l’ouverture du bureau de vote de l’école Emma Hoogenhout à Windhoek, la capitale.
« En votant, vous faites en sorte que votre voix soit entendue et qu’elle ait un impact sur votre vie ces cinq prochaines années », a déclaré l’actuelle vice-présidente. « Alors, venez voter en nombre ».
Les urnes, bleues pour la présidentielle, jaunes pour les législatives, doivent se remplir jusqu’à 21h00 (19h00 GMT) locales au gré des suffrages du 1,5 million d’électeurs inscrits, dont le dépouillement est attendu au plus tard samedi, d’après la commission électorale.
Netumbo Nandi-Ndaitwah affronte la concurrence de l’ex-dentiste et avocat Panduleni Itula. Il a fondé en 2020 sa propre formation, le parti des patriotes indépendants (IPC).
Le chômage massif, les inégalités persistantes et le renouvellement des générations ont érodé le soutien à la Swapo sur ce territoire désertique d’Afrique australe parmi les premiers fournisseurs mondiaux d’uranium.
« Je veux que le pays aille mieux et que les gens acceptent du travail », espère Hendry Amupanda, 32 ans et premier de la file d’une centaine d’électeurs patientant devant les grilles jaunes du même bureau de vote à Windhoek.
Chaussons aux pieds, cet auto-entrepreneur dans le numérique est arrivé à 21h00 la veille, équipé d’une chaise, d’une couverture et de collations. « Le résultat sera serré », prédit-il.
Plus loin dans la file d’attente, baignée des premiers rayons de soleil sur la cuvette de Windhoek, Frieda Fillipus espère voir une femme présidente. « Le féminin représente l’avenir », affirme cette femme de 31 ans travaillant dans l’industrie minière.
Dissident de la Swapo âgé de 67 ans, Panduleni Itula avait remporté 29,4% des suffrages à la précédente élection présidentielle sans parti sur laquelle s’appuyer. Le président défunt Hage Geingob avait été réélu avec 56% des voix.
Si les élections législatives se déroulent en conséquence, un deuxième tour à la présidentielle est pour la première fois une option jugée assez réaliste, selon Henning Melber, chercheur à l’Institut nordique de l’Afrique d’Uppsala (Suède).
Celui-ci doit se tenir dans les 60 jours suivant l’annonce des résultats définitifs, au plus tard, selon la loi électorale.
« L’abondante activité minière ne se traduit pas vraiment » par « des opportunités d’emploi », observe l’analyste indépendante Marisa Lourenço. Ce qui « alimente une grande partie de la frustration des jeunes », dont 46% des 18-34 ans étaient sans emploi en 2018, selon les derniers chiffres.
Après trois décennies de règne de la Swapo, mouvement d’inspiration marxiste du temps de la lutte, la Namibie demeure, après l’Afrique du Sud, le deuxième pays le plus inégalitaire de la planète, selon la Banque mondiale.
Dégagisme régional
L’Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (Swapo), qui a combattu pour l’indépendance du pays, sous le joug jusqu’en 1990 de l’Afrique du Sud de l’apartheid, peut craindre le même sort que ses partis de libération frères dans la région.
Un vent de changement souffle depuis quelques mois sur le sud du continent africain à la population très jeune. Dans la foulée du revers électoral de l’ANC en Afrique du Sud, dépossédé de sa majorité absolue, le BDP au pouvoir depuis 1966 au Botswana a été balayé.
Ces partis n’ont plus le même attrait auprès des « born frees », ces jeunes nés après la libération de leur pays. À l’image du reste du continent, la Namibie affiche une population juvénile : 63% de ses 3 millions d’habitants ont moins de 30 ans.
« Ce n’est pas seulement qu’ils sont jeunes et qu’ils n’ont pas connu la libération, c’est qu’ils subissent de plein fouet les effets de la crise économique », observe Nic Cheeseman, spécialiste de politique africaine à l’université de Birmingham.
« Les élections portent désormais sur des enjeux fondamentaux de gagne-pain », analyse Tendai Mbanje, chercheur au Centre africain pour la gouvernance.
Raison pour laquelle « NNN » promet dans son programme la création en cinq ans de plus de 250 000 emplois. Mais Netumbo Nandi-Ndaitwah a averti dimanche lors de son ultime réunion que « le monde de l’entreprise ne peut prospérer que si la politique est stable ».
Avec Apanews
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